Les ingénieurs camerounais vent debout contre le ministre des Travaux publics et soupçons de corruption dans ce département ministériel
Le 24 avril 2024, une lettre incendiaire du président de l’Ordre National des Ingénieurs de Génie Civil du Cameroun (ONIGC), Kizito NGOA, a jeté un pavé dans la mare du ministère des Travaux Publics (MINTP). Dans cette correspondance, M. NGOA fustige vigoureusement la marginalisation des ingénieurs camerounais et des structures de contrôle nationales dans l’attribution des marchés de maîtrise d’œuvre des grands projets initiés par le ministère.
La pomme de discorde ? Le choix systématique, depuis l’arrivée d’Emmanuel Ngannou Djoumessi à la tête du MINTP, de confier les missions de contrôle et de surveillance des travaux à des consultants étrangers. Burkinabè, Maliens, Guinéens, Tunisiens, Canadiens, Indiens et Italiens : la liste des nationalités privilégiées est longue, au détriment des compétences locales pourtant avérées.
Pour étayer ses propos, M. NGOA cite des cas précis, comme les marchés de contrôle et de surveillance des travaux de réhabilitation des routes Moutourwa-Maroua (RN1) et Madaga-Guidiguis (RN12), financés par la Banque Africaine de Développement (BAD). Face à ces appels d’offres, les seuls consultants retenus provenaient des pays étrangers précités, excluant de facto les bureaux d’études techniques (BET) camerounais.
Cette situation est d’autant plus incompréhensible que le Cameroun dispose d’un vivier d’ingénieurs de génie civil hautement qualifiés, formés dans des institutions prestigieuses telles que l’École Nationale Supérieure des Travaux Publics (ENSTP) et à l’École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé (ENSPY). Ces experts camerounais n’ont pourtant pas l’occasion de mettre leur savoir-faire au service de leur pays, victimes d’un système qui semble les exclure systématiquement.
L’APICAM monte au créneau et dénonce à son tour les pratiques douteuses au MINTP
Dans une lettre adressée le 30 avril 2024 au ministre des Travaux Publics, Emmanuel Ngannou Djoumessi, Francis HAPPI, président de l’association professionnelle des ingénieurs conseils et sociétés d’ingénierie du Cameroun (APICAM), emboîte le pas à l’Ordre National des Ingénieurs de Génie Civil (ONIGC) en dénonçant les « mauvaises pratiques » qui gangrènent le ministère. M. HAPPI exprime sa profonde déception face aux résultats des AMI N°73 et 74/AMI/MINTP/SG/DGET/SPM/IP/2023, pointés du doigt par l’ONIGC le 24 avril 2024, qui ont privilégié les consultants étrangers au détriment des cabinets locaux. Il fustige cette injustice flagrante à un moment où les bureaux d’études techniques (BET) camerounais ploient sous le poids des dettes, victimes de l’incapacité chronique du ministère à honorer ses engagements financiers.
Des soupçons de corruption qui ternissent l’image du MINTP
Les présidents de l’ONIGC et de l’APICAM s’interrogent donc sur les critères opaques qui président à l’évaluation et à la sélection des BET par le MINTP. Ils dénoncent le manque de transparence et de confiance envers les compétences nationales, laissant planer un doute légitime sur l’existence de pratiques de corruption au sein du ministère.
En effet, la marginalisation systématique des ingénieurs camerounais au profit de consultants étrangers nourrit des soupçons de rétrocommissions et de pactes de corruption des hauts fonctionnaires du MINTP. Ces pratiques mafieuses ternissent l’image du ministère et portent préjudice au développement des infrastructures nationales, privant le pays de sa propre expertise et des retombées économiques positives qui en découleraient.
Un appel à un changement de cap urgent
Face à cette situation alarmante, les présidents de l’ONIGC et de l’APICAM lancent un appel pressant au ministre Ngannou Djoumessi pour qu’il mette fin à ces pratiques discriminatoires et privilégie l’expertise locale dans l’attribution des marchés de maîtrise d’œuvre des grands projets du MINTP. Il s’agit non seulement de faire justice aux ingénieurs camerounais talentueux, mais aussi de garantir la transparence et la bonne gestion des ressources publiques dans un secteur aussi crucial que celui des infrastructures.
Le Cameroun a besoin de mobiliser toutes ses forces vives pour relever les défis du développement. L’exclusion des ingénieurs de génie civil camerounais des grands projets d’infrastructures constitue un frein inacceptable à l’émergence du pays. Il est temps de mettre fin à ces pratiques néfastes et de placer la valorisation des compétences nationales au cœur de la stratégie de développement du Cameroun.
La situation décriée par les présidents de l’ONIGC et de l’APICAM met en lumière un problème récurrent dans de nombreux pays africains : la marginalisation des compétences nationales au profit d’experts étrangers. Il est crucial que les gouvernements africains prennent des mesures concrètes pour inverser cette tendance et valoriser les talents nationaux, afin de stimuler le développement économique et social de leurs pays.