Sénégal : Il faut repenser le programme de 100 000 logements
Le Sénégal, à l’instar de nombreux pays africains, est confronté à un défi crucial en matière d’accès au logement décent et abordable. Avec un déficit estimé à 150 000 logements dans la capitale Dakar et 350 000 à l’échelle nationale, la question du logement social est devenue une priorité absolue pour les pouvoirs publics.
Le gouvernement sénégalais a déployé ces dernières années plusieurs initiatives et programmes ambitieux, dont le programme phare de 100 000 logements. Ce programme, lancé en 2019, vise à construire et à mettre à disposition des ménages à revenus modestes des logements de qualité à des prix accessibles.
Des initiatives prometteuses mais confrontées à des défis persistants
Le programme de 100 000 logements s’inscrit dans une stratégie globale de développement du secteur immobilier au Sénégal. Plusieurs outils ont été mis en place avec l’appui d’institutions financières comme la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS) et le FONGIP. Parmi ces outils, on peut citer : le Fonds pour l’amélioration de l’habitat et de l’urbanisme (FAHU) ; le Fonds de garantie pour l’accès logement (FOGALOG) ; les programmes de ZAC ; une famille, un Toit ; le Bureau d’assistance aux collectivités pour l’habitat social (BASHO) et la création de nouvelles villes. Malgré ces efforts louables, la problématique du logement abordable reste loin d’être résolue. La situation s’est même détériorée ces derniers temps en raison de l’inflation galopante qui complexifie considérablement le coût de production d’un logement.
L’inflation et l’envolée du prix des intrants : des obstacles majeurs
L’inflation croissante a un impact direct sur le coût des matériaux de construction, majoritairement importés. Entre 2023 et 2024, les prix des intrants ont enregistré une hausse moyenne de 20%, ce qui se répercute inévitablement sur le prix final des logements. A cette augmentation des coûts de construction s’ajoute la question du foncier dont le prix ne cesse de grimper, alimenté par la spéculation immobilière. Cette situation rend l’acquisition de terrains abordables de plus en plus difficile, accentuant davantage le défi du logement social.
Repenser le programme pour une meilleure efficacité
Face à ces obstacles persistants, il est crucial de repenser le programme de 100 000 logements et d’adapter les stratégies aux réalités actuelles du marché. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être explorées. Tout d’abord, une actualisation régulière des prix homologués est nécessaire pour tenir compte de l’évolution des coûts de production et garantir l’accessibilité des logements aux ménages cibles. Ensuite, encourager la production locale de matériaux de construction permettrait de réduire la dépendance aux importations et de limiter l’impact des fluctuations des prix internationaux. Naturellement, la mise en place des mécanismes de régulation du marché foncier et la lutte contre la spéculation excessive est indispensable pour rendre le foncier accessible aux projets de logement social. Il convient par la suite d’explorer de nouvelles sources de financement pour le programme, en s’appuyant sur le partenariat public-privé et en mobilisant davantage de ressources domestiques. Enfin, encourager et accompagner les ménages dans des projets d’autoconstruction ou d’habitat participatif peut contribuer à réduire les coûts et à impliquer les populations dans la production de leur propre logement.